LYON : VICTOIRE DE TOUTES LES RÉPRESSIONS

A Lyon, ce 29 novembre 2014, environ 4000 personnes se sont rassemblées pour manifester contre le Congrès du Front National qui se tenait au même moment à un autre quartier de la ville. Comme l’atteste le compte-rendu sur Rebellyon, « Les nombreux appels avaient donné le ton et si la mobilisation appelée par les habituels « partis et syndicats de gôche » ciblait uniquement le FN et son congrès, l’opposition du jour couvrait un champ quelque peu plus large : celui du racisme (d’Etat) et de la violence policière (lesquels s’exercent régulièrement de façon conjointe). Quel intérêt d’ailleurs de s’opposer uniquement à un FN bunkerisé à la tête d’Or protégé par la police, et que médias et politiques ont déjà rendu « acceptable » en reprenant et appliquant ses idées racistes et réactionnaires. »

Si certains se galvanisent d’une « émeute » qui a surtout brillé de sa brièveté et de son étouffement, la plupart des comptes-rendus semblent s’accorder sur l’efficacité de la répression, tant policière que médiatique, tant du Service d’Ordre syndical que du discours politique. Nous oserons, de manière sans doute provocatrice, tenter une auto-critique plus sévère, afin d’essayer de comprendre en quoi finalement il n’y a pas d’autre constat à établir que celui de notre échec, de notre défaite voire de notre impuissance.

A Lyon, ce jour-là, nous avons commis la plus lourde des fautes : nous avons été prévisibles.

Tous nos ennemis nous attendaient, et ont eu raison de nous. Sur les quelques milliers de personnes rassemblées, environ 500 autonomes se sont regroupé-e-s en queue de cortège, répondant à l’appel pour une manifestation offensive. Notre échec est celui de ne pas avoir anticipé l’avant et l’après manif, nous contentant d’espérer nous retrouver en nombre au point de rendez-vous établi afin d’y concentrer un rapport de force optimal. Or, c’est essentiellement dans cet avant et cet après que nous avons constater notre incapacité à nous coordonner et à nous organiser, dans le chacun-pour-soi des groupes affinitaires isolés. Ce n’est pas au moment où la manif démarre et des saccages de quelques vitrines de banques qu’il faut faire attention les uns aux autres, ainsi que dans une confrontation hasardeuse aux flics, c’est bien avant et bien après.

Avant, car nous avons manqué la capacité à déjouer le quadrillage policier hermétique de la place Jean Macé, des contrôles-fouilles systématiques et des arrestations préventives. Avant, car nous n’avons pas su localiser nos premiers ennemis qui étaient les leaders auto-proclamés de l’appel social-démocrate et leurs services d’ordre, où sur leur prétentieux camion-scène ils n’ont eu de cesse de répéter au micro leur respect de l’Ordre public, de la pacification, de la neutralisation politique pro-démocratie, voire entre les lignes à la délation, et à la collaboration avec les grands médias. Il fallait leur prendre leur micro de force, appeler à la solidarité contre le dispositif militaro-policier, appeler à empêcher physiquement et collectivement les contrôles et les fouilles qui continuaient au même moment tout autour de la place. Nous sommes restés impuissants et passifs, pressentant déjà notre incapacité à constituer un quelconque réel rapport de force consistant.

Par ailleurs, nous nous sommes trop rapidement coupés et isolés du cortège social-démocrate qui n’espérait que cela. Nous nous sommes attardés sur le pont de la Guillotière, prenant le risque d’être bloqués des deux côtés. D’ailleurs, c’est ce qui explique la nasse policière qui s’en est suivie sur une partie du cortège libertaire (et NPA). Il aurait été intéressant de nous infiltrer de manière diffuse sur tout le long du cortège majoritaire pour nous permettre une marge de manœuvre plus large et déjouer toutes les répressions, notamment en incitant le gros de la manif à se solidariser. Idem, d’emblée notre défaite à ne pouvoir tenir un contre-discours à celui officiel des leaders auto-proclamés, pour appuyer la nécessité de se solidariser vers la nécessaire portée offensive à assumer collectivement. Au lieu de cela, la portée offensive fut très rapidement avortée par l’efficacité des multiples techniques répressives.

Trop rapidement, nous avons été contraints de nous exfiltrer vers le centre-ville, à se faire balader par les flics dans des courses-poursuite et chasses à l’homme sans trop savoir où aller, face à la collaboration généralisée des ciotyens-consommateurs du samedi après-midi. Pas de lâchage de tracts, pas d’objectifs pré-établis et réalisables, pas d’action-éclair coordonnée, à peine une gestion à la hâte pour contenir l’impitoyable marteau policier qui nous écrase contre l’enclume sociale-démocrate. Notre défaite, car nous avons été défaits. Notre impuissance, car nous avons su nous rendre prévisibles. Notre échec, car nous avons été vaincus.

Notre priorité doit être là : la question de l’organisation et de l’anticipation techniques.

Après, car l’éclatement du bloc en centre-ville n’a pu être empêché. Car la police a toujours une longueur d’avance sur nous, l’hélicoptère a permis cette « vue aérienne » de nos déplacements. Cette « vue aérienne » qui nous fait tant défaut, pour nous-mêmes être capables de déjouer les déplacements policiers.

Notre force aurait pu être celle de ressurgir ailleurs, en différé, faire durer le désordre, de ne pas se laisser encadrer ni neutraliser. Ceci est moins difficile qu’il n’y paraît : dès le début, faire tourner le mot de se retrouver dans deux heures à un autre point de rendez-vous difficile à quadriller pour la police. De se retrouver et se dissoudre à plusieurs reprises, comme technique d’harcèlement du dispositif préventif de toutes leurs polices. Avec un système de communication directe pour garder la capacité d’initiative, de nous donner les moyens de nous adapter à leurs dispositifs pour les prendre à revers.

Nous assumons le caractère provocateur d’un tel propos, qui nous semble cependant nécessaire, afin de faire évoluer nos moyens d’action face aux changements des techniques répressives dont nous avons pu constater l’efficacité depuis le meurtre de Rémi Fraisse et la révolte qui a suivi.

Que la peur change de camp.

bt

2 commentaires

  1. Tsssss
     » Il aurait été intéressant de nous infiltrer de manière diffuse sur tout le long du cortège majoritaire pour nous permettre une marge de manœuvre plus large et déjouer toutes les répressions »
    Non, non non et re NON!
    Si on veut que les actions autonomes soient assumées collectivement et qu’il y ait la nécessaire solidarité, il faut qu’il y ait un respect de la diversité des tactiques.Ce qui a été fait à Lyon est contre productif et ce passage cité affligent. C’est l’action de coucou, pas d’autonomes.

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  2. L’autre échec c’est pas un peu aussi d’avoir dévasté la Guillotière ? Défoncé des épiceries de quartier, des restos, des magasins de GSM qui faisaient vivre plusieurs familles ? Les banques, les abribus et les McDo c’est déjà dur à faire comprendre aux gens, mais là on est juste passé pour des grandes malades auprès de ce quartier ou les cop.a.in.e.s commencaient à réussi un boulot sur l’antipat, l’homophobie,…

    Alors certes, la plupart des autonomes présents venait des quatre coins de l’europe et n’a vu Lyon que comme une vaste arène. Mais, en se renseignant auprès des totos lyonnais ou simplement en ouvrant les yeux, il aurait été assez simple de se rendre compte que, pour lutter contre le fascisme et le capitalisme, il y a des endroits plus intéressants à défoncer qu’un quartier populaire.

    Le message est passé : le FN ne trouble pas la ville, les anars défoncent tout chez les rebeus. J’ai moi même du mal à le piger, alors je vous avoue que quand on me demande ce qui s’est passé, j’ai du mal à dire autre chose que « on a vraiment des gros abrutis dans notre camp ». A une époque, j’aurais dit « on a été infiltré par les flics et les fachos », mais j’y crois même plus. On pourra pas éternellement excuser notre incapacité à gérer les abrutis derrière la liberté individuelle.

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